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Pour les élites économiques françaises, le flou du programme du Rassemblement national (RN) débouchera, s’il arrive à Matignon, sur une politique économique « à la Meloni » : libérale et expurgée des projets qu’elles jugent « dangereux ». Le parallèle avec la leader du parti post-fasciste Fratelli d’Italia parvenue à la présidence du conseil des ministres en Italie en octobre 2022 est effectivement tentant, mais omet un élément essentiel.
Au lendemain de l’accession de Giorgia Meloni au Palais Chigi, Emmanuel Macron est le premier dirigeant étranger à la rencontrer. Cet adoubement diplomatique s’accompagne d’un tweet alors rassurant du président français, mais aujourd’hui troublant dans le contexte de la montée de l’extrême droite : « Réussir ensemble, avec dialogue et ambition, nous le devons à notre jeunesse et à nos peuples. Notre première rencontre à Rome va dans ce sens. » Les trois jours suivant, la Bourse de Milan progresse de 4 %…
Le partenaire croupion issu de la droite traditionnelle – en Italie, Forza Italia – serait le garant du « retour à la raison ». La promesse de Meloni de revenir sur l’allongement de l’âge de départ à la retraite a ainsi été enterrée – tout comme l’engagement ferme du RN sitôt l’accord signé avec Eric Ciotti. La menace d’une taxe sur les superprofits des banques transalpines s’est transformée en un dispositif inoffensif.
En revanche, les mesures répondant au bréviaire « néolibéral » ont été maintenues. Les impôts des entreprises ont été réduits, à l’instar des engagements du RN ; une « flat tax » est venue récompenser les entrepreneurs, électorat cœur de la coalition Meloni. Cotisations et fiscalité sur le travail sont diminuées. La version RN est une hausse salariale à discrétion des employeurs privés jusqu’à 10 % sans cotisation sociale patronale. Se substituant aux hausses négociées avec les syndicats en entreprise ou par branche, ces mesures se traduisent à terme par une baisse du coût du travail au détriment de la Sécurité sociale et de l’Etat. Au total, dans les entreprises italiennes, les salaires réels bruts demeurent de 5 % à 10 % en deçà de leur niveau d’avant le Covid-19. Les fonctionnaires, eux, sont oubliés.
Pour équilibrer le budget, la réduction des subventions aux associations et ONG prévue par le programme du RN a été effective en Italie ; la privatisation de l’audiovisuel public français fait écho à celle de la poste italienne. Les deux coalitions d’extrême droite mettent en avant la lutte contre la fraude sans donner aux agents les moyens de l’endiguer. Le RN ne l’a cependant pas, encore, suivi dans la suppression de l’équivalent italien du RSA.
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